9 juin 2015

Insomniaque

Il est impensable de se décrire, ou de décrire une personne, en fonction d'une idée,d'un groupe ou d'une activité. Cela revient à analyser un livre en n'ayant lu que la quatrième de couverture ; c'est stupide. Et pourtant, nous le faisons, tous les jours. Nous ne savons plus regarder, analyser, comprendre ; nous n'essayons même plus. On se contente du prêt-à-penser pré-mâché et pré-digéré distribué par les systèmes éducatifs, les médias, les réseaux d'informations et la société. Alors, du haut de nos préjugés et de cette masse de désinformation, on juge. On juge l'être, l'avoir et le peut-être, sans même prendre la peine de s'interroger sur le bien-fondé de nos accusations, sans jamais essayer de voir les choses, les êtes et les situations dans leur ensemble.

Les gens ont une telle envie – un tel besoin, même – de s'identifier à un groupe, à un mouvement ou à quoi que ce soit d'autre qu'ils n'hésitent pas à se cataloguer eux même, à se résumer et se réduire. On a tant l'habitude de se mettre soi-même dans des cases que l'on finit par faire de même avec ceux qui nous entourent ; on les résume, on les réduit, on les catalogue. Le plus souvent on nous restreint à un terme, peut-être deux ou trois, rarement plus.On est alors « artiste », « politicien »,« drogué », « vegan », « musicien »,« connard » ou que sais-je encore.

Le problème dans tout ça, c'est qu'à résumer et cataloguer les êtres et les situations, à juger et accuser dans l'ignorance, on finit par créer bien des fléaux. Racisme, homophobie, sexisme et autres discriminations en tout genre sont autant de progénitures nées de l'ignorance, de la bêtise et du désintéressement, parce que l'on nous pousse dans des cases et que l'on nous apprend, depuis l'enfance, à rejeter ce qui sort des normes et à ne jamais, ô grand jamais, faire preuve d'empathie.

Ah ! L'empathie ! Encore une chose que beaucoup ne connaissent pas, ou de façon très réduite. On l'utilise avec sa famille, ses amis, les personnes que l'on apprécie. Parfois, on en fait preuve face aux informations, lorsque l'on nous apprend un attentat, la disparition d'un enfant ou une terrible nouvelle bouleversante. C'est d'ailleurs souvent en ces moments qu'arrivent des mouvements de solidarité qui montrent ô combien les gens sont formidables. Mais une fois ces nouvelles passées, l'empathie retombe et l'on se rend compte que ce n'était qu'une façon d'avoir bonne conscience et d'appartenir à un groupe, un mouvement « plus grand », parce que les gens ont réellement besoin de s'identifier et d'appartenir à un groupe ou un mouvement. Pourquoi ? Parce que c'est plus simple.
Il est cent fois plus facile de mettre l'autre dans une case – encore plus lorsqu'il nous déplaît – que de s'intéresser à lui et d'essayer de le comprendre et de l'accepter.
Il est mille fois plus facile de se mettre soi-même dans une case que de savoir, accepter et revendiquer qui on est vraiment.

S'accepter soi-même – et accepter autrui – en tant qu'être complet et complexe demande beaucoup de travail, de franchise et de courage. C'est : accepter les réussites et les échecs, les qualités et les défauts ; ouvrir son monde et s'intéresser à celui de l'autre, pour échanger, partager, apprendre et comprendre ; aller au-delà des préjugés, des accusations et des apparences ; savoir demander et accorder le pardon avec sincérité. Ses seuls points, loin de constituer une liste exhaustive, présentent déjà de grandes difficultés et demandent plusieurs années d'apprentissage. L'une de ces difficultés – qui suffit à rebuter la grande majorité – c'est de ne plus être « normal ». Dans notre société, savoir, accepter et revendiquer qui l'on est vraiment n'est pas « normal », cela nous place d'office en marge, encore plus si l'on se bat pour nos idéaux et/ou que l'on rejette les mouvements de surconsommation et de manipulation sociétaires.
Dans une société malade, être en bonne santé est un crime.
Dans une société capitaliste manipulatrice et infantilisante, penser par soi-même est un crime.

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